Et si l’Allemagne avait gagné la seconde Guerre Mondiale ? Et si Napoléon avait gagné la bataille de Waterloo ? Tous ces postulats appartiennent à ce que l’on appelle l’uchronie, comprenez une réécriture de l’histoire à partir de la modification d’un événement passé. Un genre en vogue aussi bien en littérature qu’en bande dessinée avec la sortie du premier tome de la série Le dernier Atlas. Chaud devant! 

Le pitch

Nantes, de nos jours. Ismaël Tayeb est le bras droit du Gros, un truand local. Alors que son business de jeux d’arcade trafiqué est plutôt florissant, l’arrivée en ville d’un gros poisson venu s’encanailler va faire basculer la vie de Tayeb. Son nom : Jean Legoff alias « Dieu le père » de retour d’exil. Devenu un peu par accident son subordonné, Ismaël est chargé par Legoff de mettre la main sur des produits radioactifs à destination de combattants islamistes.

Un combustible que le malfrat sait où il peut se le procurer. Dans les années 60, la France a mis au point toute une série de robots géants, les Atlas, fonctionnant au nucléaire et ayant permis la construction de nombreux édifices en France et en dehors de la métropole. Un fleuron industriel de pas moins de 16 appareils qui seront malencontreusement démantelés suite à une catastrophe survenue à Batna, pendant la guerre d’Algérie.

Ismaël n’était qu’un môme quand il a eu l’occasion de croiser un de ces monstres de fer. Pourtant, il le sait, un des exemplaires n’a pas été démantelé et pourrit en Inde au milieu des bidonvilles. Une occasion unique de pouvoir s’emparer du combustible ! Dans le même temps, la scientifique Françoise Halfort, en poste en Algérie, assiste dans le parc de la Tassilli à un phénomène surnaturel dépassant l’entendement susceptible de changer la planète du tout au tout…

Ce que l'on peut en dire

8 années de gestation ont été nécessaires pour accoucher de cette série prévue en 3 tomes. Mais quel résultat ! Les auteurs convoquent tous azimuts un grand nombre de nos préoccupations contemporaines qu’il s’agisse du changement climatique, des guerres idéologiques, d’un passé colonial encore à vif, de corruption ou encore des problématiques migratoires mais sans pour autant dénigrer les ressorts propres à ce récit de haut vol.

L’intelligence est de mettre ces thématiques au service d’un récit uchronique particulièrement palpitant. Sur 220 pages, le récit est haletant, traversé de nombreuses références aux fractures sociales qu’a connu et connaît encore aujourd’hui la société hexagonale.

Ce qui est impressionnant dans ce récit, c’est sa structure. D’un polar, l’histoire se mue en quelques chose de beaucoup plus global aux ramifications parfois insoupçonnées. Le danger de se retrouver avec un récit tentaculaire est pourtant ici soigneusement évité, le lecteur allant de découverte en découverte selon un rythme savamment distillé.

Autre point fort non négligeable : la cohérence des propos. Que ce soit selon les thématiques abordées ou à travers la présence de ces robots géants eux-mêmes, scénario et dessins sont particulièrement crédibles et on ne bascule pas véritablement dans un récit plus fantastique ou d’avantage géopolitique. C’est un tout et cela confère à l’album son originalité. Il est de ce fait, difficilement classable et c’est tant mieux ! Un livre brillant et aboutit dont je vous conseille vivement la lecture. Le challenge sera de confirmer cela pour la sortie du tome 2 !

Le dernier atlas de Vehlmann, De Bonneval, Tanquerelle, Blanchard et Croix, éditions Dupuis, 232 pages, 24,95 euros.

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La liberté ne se mendie pas, elle se prend.
– Alexandre Jacob