Du haut de ses 32 ans, Brecht Evens fait pourtant déjà figure d’auteur accompli. Révélé au grand public avec son album « Les noceurs » sorti en 2010 chez Actes Sud et couronné du prix de l’audace l’année suivante  à Angoulême, le natif d’Hasselt a depuis fait un bout de chemin dans une veine artistique anticonformiste qui n’appartient qu’à lui. Et Les Rigoles n’échappe pas à la règle.

Jona a fait ses paquets. Fini la vie parisienne. Les déménageurs doivent débouler aux aurores le lendemain matin direction Berlin où s’est installée Camille, sa petite amie. Il ne lui reste qu’à célébrer comme il se doit sa dernière soirée dans la ville lumière. On est samedi et ce ne sont pas les endroits où s’encanailler qui manquent même lorsque l’on est lâché par la plupart de ses ami(e)s.

 

C’est donc en solo que Jona déboule dans un restau bondé branchouille et bigarré. Les gens s’y croisent sans pour autant s’apprivoiser et les discussions vont bon train. Victoria (Vic pour les intimes) y est attablée en compagnie de sa sœur Sarah et son ex, Michaël. Il ne manque plus que Rodolphe alias Baron Samedi et le décor est planté.

 

Trois personnalités en tout point distinctes qui vont se croiser sans se connaître jusqu’au bout d’une nuit d’ivresse hallucinée où les verres s’entrechoquent et les émotions s’embrasent…

En l’espace de seulement 4 albums de bandes dessinées, Brecht Evens a su créer un style unique en son genre, déconstruisant comme il se doit les canons du 9èmeart. Les cases disparaissent au profit d’une explosion de couleurs, de lumières et de formes tantôt en pleine page, tantôt sur fond blanc mais rarement sous forme de cases.

L’ouvrage en déroutera plus d’un tant la farandole de personnages qui se succèdent au début de l’album peut désarçonner. Pour autant, l’auteur sait guider son lecteur se concentrant petit à petit sur les trajectoires de Jona, Vic et Rodolphe.

Sortes d’étoiles filant à toutes berzingues, nos protagonistes plutôt névrosés n’en restent pas moins humains. Jona, le professionnel de l’esbrouffe, la fragile Vic et ou Rodolphe et son alter ego Baron Samedi sont tous les trois pétris de failles, cherchant un exutoire dans la fête sans pour autant avoir un comportement totalement autodestructeur.

Même si Brecht Evens ponctue son récit de vitriol notamment à travers un Jona plus pommé et vide que jamais, il se dégage de son travail beaucoup d’empathie à l’égard des autres personnages dont les illusions les rendent finalement assez attachants.

Un ouvrage hors normes en quelque sorte, au graphisme magnifique et atypique qui, j’espère en éblouira plus d’un(e).

Les rigoles de Brecht Evens, Actes Sud Bd, 29,00 €.

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La liberté ne se mendie pas, elle se prend.
– Alexandre Jacob