Interdit dès sa sortie en Chine, « Servir le peuple » a malgré tout fait couler beaucoup d’encre tant son propos était subversif. Habitué aux personnages haut en couleurs notamment avec son précédent ouvrage consacré au boxeur « Panama Al Brown », Alex W. Inker adapte ici avec brio le roman de Yan Lianke.

Le pitch

 Petit Wu a de l’ambition à revendre. En tant qu’archétype du soldat Maoïste, il parvient à marier la fille du comptable Zhao non sans lui promettre d’intégrer au plus vite le parti communiste pour subvenir à ses demandes toutes plus matérialistes les unes que les autres. Mais la route est longue avant de devenir un camarade digne de ce nom !

C’est en cuisine que Petit Wu va pourtant récolter ses premiers lauriers et devenant à la fois le cuisinier et l’ordonnance attitré d’un colonel local. Il faut dire que Petit Wu « savait, en trente minutes, préparer le feu, éplucher les légumes et confectionner un succulent repas de 4 plats et une soupe ». De quoi convaincre n’importe lequel des galonnés de l’Armée Populaire de Chine!

Devant s’absenter pour un séminaire de deux mois à Pékin, l’officier charge Petit Wu de s’occuper des affaires courante et de répondre aux moindres faits et gestes de Tante Liu, laquelle se montre rapidement très entreprenante auprès de Petit Wu. Après tout, Servir le peuple implique de répondre aux attentes de tout camarade, fut-il général…ou femme de colonel !

Ce que l'on peut en dire

« Servir le peuple » est à la base un célèbre slogan issu la Révolution Culturelle. Mais ici, il est clairement passé à la moulinette ou la baïonnette si vous me passez l’expression. Yan Lianke s’est beaucoup amusé à clairement piétiner la doctrine Maoïste comme il se doit sur fond de libération sexuelle dans un pays où évoquer une telle chose qui plus est dans les années 1960 était inimaginable.

Respectueux des enseignements du Grand Timonier, le livre se mue rapidement en un brûlot contre révolutionnaire où Petit Wu et Grande Sœur Liu s’en donnent à cœur joie non sans vivre pleinement leur sexualité. Tout y passe : les portraits de Mao sont brisés à grands coups de marteau, les citations jetées aux ordures, les photos déchirées.

Alex W. Inker nous transporte dans une Chine de Mao plus vraie que nature avec ses affiches de propagandes présentes presque à toutes les pages, ses soldats stakhanovistes jusqu’au bout des ongles et cette prédominance du rouge – un rouge délavé – dans toutes les planches. Un très beau travail graphique rehaussé par une maquette d’album qui l’est tout autant.

A défaut d’être encarté au PC, apprenez-vous aussi à « Servir le peuple »,  croyez moi, c’est jubilatoire!

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La liberté ne se mendie pas, elle se prend.
– Alexandre Jacob